LE THEATRE EN ABSURDIE

«L'absurde, c'est tout sauf du n'importe quoi », prévient Stéphane de Groodt, expert en la matière. Ses glorieux prédécesseurs Ionesco et Beckett n’aimaient d’ailleurs pas beaucoup qu’on traite leur théâtre d’absurde, « un mot à la mode qui ne le sera plus » (Ionesco). Force est de constater que le genre a toujours le vent en poupe chez nos auteurs contemporains : Ribes, Topor, De Vos, Rassov s’amusent à faire voler en éclat les conventions culturelles, professionnelles, amicales, ou encore conjugales. Une variété d’écritures, mais avec un regard toujours incisif et décalé, tantôt tendre, parfois cruel, sur un monde qui ne tourne pas rond. Et si l’absurde, plus qu’un dogme, était avant tout un état d’esprit ?

FIN DE PARTIE
  • PRODIGIEUX - Quoi de mieux que la splendide mise en scène de Jacques Osinski pour goûter les mots implacables de Samuel Beckett, ses gestes millimétrés par d’imposantes didascalies, cette pièce crépusculaire et vorace. Deux magnifiques comédiens mènent le bal. Dos voûté, jambes raides, claudiquant tel Chaplin, rebondissant tel Buster Keaton, Denis Lavant campe un extraordinaire Clov, fils adopté, serviteur et souffre-douleur, trimbalant avec fracas son escabeau pour s’élever et scruter l’horizon. Face à lui, Frédéric Leidgens est un Hamm de grande ampleur, tyran aveugle et pourtant dandy, dictant ses ordres à Clov, convoquant ses parents enfouis dans des poubelles couleur de bronze (Peter Bonke et Claudine Delvaux). Dans cet intérieur qui ressemble à un purgatoire, le duel au sommet Hamm-Clov nous dit des choses inouïes sur la famille, sa puissance d’amour et de haine. Quand tout cela va-t-il finir ? Reclus dans son fauteuil, Hamm repousse indéfiniment le départ de Clov. Clov ne cesse de lui dire qu’il le quitte… Mais brisera-t-il ce déséquilibre harmonieux sur lequel Denis Lavant avance en funambule ? La langue de Beckett est rude. Le travail de Jacques Osinski rend éclatante sa sensibilité à vif, enfantine et désespérée. Fin de Partie reste malgré tout une comédie, certes du désespoir. Face à leur condition, les personnages, oscillant entre apitoiement et autodérision, parviennent à nous faire sourire, par un haussement de sourcil ou un jeu de main.