Molière - Les 400 ans

2022 marque les 400 ans de la naissance de Molière, né le 15 janvier 1622 à Paris (pour les curieux ou les idolâtres, voir l'inscription sur la façade du 31 rue du Pont-Neuf). Créateur d'une trentaine de comédies en vers et en prose, le prolifique et célèbre dramaturge traverse les époques et reste une référence de la littérature et de la langue française. Ne dit-on pas d'ailleurs "la langue de Molière" ? Une chose est certaine, que l’on soit dans un respect historique ou dans une transposition, Molière résiste à tout et mieux que cela, il nous fournit une matière inépuisable pour interroger les comportements humains, immuables.

Le malade imaginaire
  • UN GRAND ENFANT. Le Malade imaginaire, dernière pièce de Molière emporté par une pneumonie fulgurante à l’issue de la 4e représentation, est une comédie irrésistible sur la peur de la mort. On y voit un hypocondriaque qui s’automédique et se confine avec sa jeune femme et ses enfants. Mais les sacrifices qu’il leur impose sont trop lourds à supporter… La situation fait évidemment écho à la pandémie du Covid et est d’autant plus percutante qu’elle est portée par Michel Bouquet : l’acteur génial y interprète le malade pour la 3e fois de sa carrière à 83 ans. Sa fragilité donne au personnage une innocence touchante. On passe sans cesse de l’empathie au rire, et de la colère au rire.
Les femmes savantes
  • UNE PIECE D'AVANT-GARDE : Longtemps considérée comme une critique de l’émancipation des femmes, Les Femmes savantes de Molière est en réalité une dénonciation de tous les comportements excessifs y compris lorsqu’ils servent une juste cause. C’est ce que démontre avec une grande finesse la mise en scène de Béatrice Agenin. Magnifique comédienne -elle joue le rôle d’Armande-, brillante metteuse en scène, elle sait utiliser le texte de Molière et le faire entendre avec intelligence. Encensée par toutes les critiques, cette version très classique est d’une étonnante modernité.
L' avare
  • INVENTIF, MODERNE, DROLATIQUE. Ludovic Lagarde propose une mise en scène de L’Avare qui vient dénoncer les travers de notre société régie par l’argent et le repli sur soi. Dans un immense hangar où Harpagon stocke et ordonne ses biens dans des caisses d’archives, Elise et Cléante, ses enfants, élaborent des plans pour échapper à la peur pathologique de leur père de dépenser son argent. La scénographie, inhabituelle, permet d’oublier le côté classique de la pièce qu’on redécouvre sous un angle très contemporain. Ce qui permet de mettre en lumière la maladie mentale dont souffre Harpagon et la terreur qu’il inflige à son entourage. Cela n’en reste pas moins une comédie fabuleuse, portée par des comédiens qui nous emmènent de surprise en surprise.
L’ école des femmes
  • VISIONNAIRE : Créée dans la Cour d’Honneur du Palais des papes du Festival d’Avignon, cette Ecole des Femmes mise en scène par Didier Bezace restera dans les annales. D’une part pour sa scénographie : exit les décors réalistes chers à Louis Jouvet dans lesquels Agnès est séquestrée ; ici, on joue sur une plateforme qui symbolise la prison mentale dans laquelle s’est enfermé Arnolphe. D’autre part, l’interprétation des comédiens tranche avec les partis pris précédents. Pierre Arditi campe un Arnolphe amoureux, jaloux et désespéré. Agnès Sourdillon, quant à elle, redynamise l’ingénue Agnès qui semble maîtresse de son destin comme on ne l’a jamais vue. Créée en 2001, près de 20 ans avant #MeToo, cette version, remarquable à tous points de vue, a pris en plus depuis une dimension visionnaire.
Le Tartuffe
  • DUEL AU SOMMET. L’évènement de ce Tartuffe, c’est d’abord la rencontre, jamais concrétisée jusqu’alors, entre deux montres des planches. Jacques Weber incarne un Orgon vigoureux, tout en colère contenue, face à Pierre Arditi en Tartuffe narquois et pétillant, volontiers concupiscent. Le décor, tout en rondeurs et blancheur, sert aussi bien les personnalités douce d’Orgon et insaisissable de Tartuffe. Ils sont accompagnés par des comédiennes au diapason, Isabelle Gélinas en Elmire dangereusement séduisante et Manon Combes en pétulante Dorine. Le vétéran Peter Stein, grand metteur allemand, s’inscrit dans les traces de ses illustres prédécesseurs (Louis Jouvet, Antoine Vittez, Ariane Mnouchkine… ) en s’attaquant au monument de Molière. « En apparence, c’est une tragi-comédie, mais je dois dire que j’ai été surpris par certains traits extrêmement violents qu’elle contient. » Sans esbrouffe, il se concentre sur le texte et sa complexité psychologique. On assiste à la chute du patriarche d’une famille bourgeoise, manipulé par un faux dévot qui lui fait perdre bientôt tout discernement. La satire, cruelle et implacable, reste toujours aussi saisissante.
Dom Juan
  • MYTHIQUE - Ce téléfilm en noir et blanc est diffusé sur la première chaîne française le 6 novembre 1965. Il demeure sans doute l’adaptation la plus connue du Dom Juan de Molière. Le réalisateur Marcel Bluwal a cherché, au travers de son téléfilm, à révéler l’intemporalité de la pièce. Il laisse en effet de côté la reconstitution d’époque ; les acteurs jouent sans perruques et les décors n’ont rien du baroque des châteaux du temps de Molière. Au contraire, les intérieurs apparaissent étonnamment spartiates. Mais c’est davantage sur l’itinéraire du Dom Juan de Molière, sa quête personnelle, qu’insiste Marcel Bluwal. Il n’hésite d’ailleurs pas à glisser dans le film une référence au Don Quichotte de Cervantès. Le mythe de la séduction qu'évoque habituellement Dom Juan s’efface derrière le récit d’un homme affranchi de la crainte de Dieu et résolu à affronter son destin. Des scènes de courses à cheval viennent en contrepoint souligner l’assurance du personnage et mettre en valeur, non sans un brin de lyrisme, la liberté qu’il incarne.
Le  Bourgeois Gentilhomme
  • VIVE LE MAMAMOUCHI. Jérôme Deschamps endosse le bonnet et les habits haut en couleur du célèbre Monsieur Jourdain, ce bourgeois sans éducation qui rêve d’appartenir à l’aristocratie, la classe du pouvoir et de l’élégance, quitte à se couvrir de ridicule. Vaniteux, plein d’orgueil, jaloux, ambitieux, Jourdain est peut-être naïf et crédule, mais il est aussi profondément humain. Deschamps en fait un portrait touchant qui échappe à la caricature, magnifié par une scénographie époustouflante qui nous renvoie aux origines de cette comédie-ballet : du très grand spectacle ! La partition baroque de Lully est magistralement interprétée par l’orchestre dirigé par Thibault Noally, les comédiens, danseurs et choristes s’en donnent à cœur joie, durant ces 3 heures de pur plaisir, menées tambour battant.