MON PEUPLE, CE BOURREAU. Le théâtre de Thomas Jolly est peuplé de monstres inoubliables : après Richard III, Henri VI, Thyeste ces terrifiants humains, il s’attaque à la figure mythologique ultime, un Dragon à trois têtes qui a mis tout un village sous son joug depuis plusieurs siècles. Son créateur, le dramaturge russe Evgueni Schwartz (1896-1958) était un spécialiste du conte pour enfants ; habile façon de glisser quelques messages politiques subversifs ! Las, le régime stalinien se reconnut un peu trop bien dans cette métaphore très parlante de l’emprise qu’exerce les totalitarismes sur leurs peuples, et la pièce fut interdite en 1944, après une seule représentation. Dans son adaptation 75 ans plus tard, Thomas Jolly reste fidèle au texte, féerique et intemporel, tout en livrant un spectacle fidèle à son ADN théâtral : spectaculaire, truculant, stupéfiant, tragique, avec une esthétique cinématographique entre Tim Burton et l’expressionnisme allemand. Un véritable régal visuel et sonore, et une réflexion politique puissante.